Ce jour-là, j'étais particulièrement contente de rentrer chez moi. Mon père était un père souvent absent dû à son travail d'avocat réputé et donc très demandé. Cependant, nous avions une relation plutôt complice, et depuis quelques années, nous avions installé une sorte de tradition. Tous les premiers du mois, nous nous retrouvions à la maison, autour d'un dîner, pour se parler, rattraper le temps loin l'un de l'autre. Mais c'était un jour spécial, puisque c'était l'anniversaire de ma mère. Ce jour précis, nous dînions avant d'aller faire un tour au cimetière. Lorsque je poussais la porte de l'entrée, l'odeur de mon plat préféré me parvint, et je ne pus m'empêcher de sourire. « Ah, voilà ma petite princesse. » Mon père vint à ma rencontre et me prit dans ses bras, déposant un doux baiser sur mon front. Je profitais de cette étreinte avant de déposer mes affaires et de m'installer à table. Nous mangions tranquillement, dans la bonne humeur. Je lui racontais ma vie à l'école, ma vie sociale, puis il me parla de son boulot et des différents problèmes qu'il avait. Une heure plus tard, nous arrivions au cimetière. L'ambiance était tout de suite plus froide, mais pas désagréable. Je m'approchais de la tombe où était écrit "Billie Rhodes, beloved wife and mom". « Bonjour maman. » soupirais-je. Je ne l'avais jamais connue, puisqu'elle était morte en me donnant naissance. Pourtant, je ressentais son absence, tous les jours. Enfant, j'en avais souffert plus que tout, surtout lorsque les autres enfants me demandaient pourquoi je n'avais pas de mère. Je rêvais d'avoir une famille comme les leurs, avec deux parents aimants. Malheureusement, je n'avais pas cette chance, et je devais vivre sans mère. Mon père faisait de son mieux, mais je n'avais jamais les discussions mère/fille dont une fille avait besoin, et je ne les aurais jamais. Mon père s'approcha de moi. « Je suis désolée. » Je relevais le regard vers mon père, qui fronçait les sourcils, ne comprenant pas. « Je ne te l'ai jamais dis, mais je suis désolée que tu l'ai perdue à cause de moi. » Mon père secoua la tête et passa une main sur ma joue, plantant son regard dans le mien. « Tu n'as pas à t'excuser ou à te sentir coupable. Ce qui est arrivé est dramatique, mais tu n'y es pour rien. Tu es la plus belle chose qui me soit arrivé, je veux que tu le saches. » Je hochais la tête et mon père serra ses bras contre moi. Nous restions quelques minutes de plus avant de nous en aller, retournant au déroulement de notre vie sans elle.

Je n'avais jamais été le genre de fille à être sûre de moi, à avoir confiance en moi. Je doutais beaucoup, et pourtant, tout cela avait changé lorsque j'avais rencontré Maxime. Il avait su m'aimer pour ce que j'étais, à ma juste valeur. Quand je voyais le regard qu'il posait sur moi, je me sentais confiante. Il avait une manière de me voir qui me faisait me sentir bien. Il était probablement tout pour moi, et j'attendais toujours avec impatience les moments où je devais le voir. Quand j'arrivais enfin sur les marches du Metropolitan Museum of Arts, notre lieu de rendez-vous, un immense sourire s'afficha sur mon visage, et je me dirigeais vers celui que je voyais comme l'homme de ma vie avec entrain. Enlaçant mes bras autour de son cou, j'approchais mon visage du sien. Mais au lieu de répondre à mon étreinte, il s'empara de mes poignets pour me repousser. « Maxime ? » Je fronçais les sourcils, ne comprenant pas son attitude. Il n'avait jamais agi de cette manière envers moi. Même quand il n'était pas bien ou que quelque chose le tracassait, au contraire, il aimait sentir ma présence à ses côtés. Je cherchais du réconfort dans ses yeux, mais il restait froid et distant. Un frisson d'angoisse me parcourut. « C'est fini. » Ces mots firent l'effet d'une bombe. Je sentis mon corps trembler, et il aurait fallu de peu pour que je m'écroule, mes jambes étant tout à coup très faible. « Maxime, c'est pas drôle tu sais. » dis-je avec un léger rire - cependant dénué d'humour - afin d'alléger la situation. Mais il restait très sérieux et concentrer. Il introduit ses mains dans ses poches et regarda le sol. Je lui donnais une tape sur la poitrine pour qu'il réagisse. « Oh, tu joues à quoi là ? » Il essayait toujours d'éviter mon regard. Il ne m'avait pas regardé depuis que j'étais arrivée. « C'est fini, c'est tout. Ne cherche pas midi à quatorze heure. » Je sentis mon visage s'enflammer et les larmes monter aux yeux, mais je refusais de craquer. « Non, non, non. Je ne te croirais pas, pas tant que tu ne m'auras pas dit tout ça dans les yeux. » C'était tout bonnement impossible. Deux ans que Maxime et moi vivions le grand amour. Encore hier, nous étions sur un petit nuage. Comment pouvait-il changer du jour au lendemain. Soudain, il leva la tête vers moi et planta son regard dans le mien. Je tressaillis. Son regard n'avait rien de réconfortant et ne trahissait rien. Il était juste froid et méchant. « Je ne veux plus de cette relation, d'accord ? Je ne t'aime plus, c'est pas dur à comprendre. » Il me tourna soudainement le dos et je le regardais partir, son corps se mêlant à la foule new yorkaise, me sentant impuissante. Les larmes coulaient doucement sur mes joues, et je m'écroulais sur les marches du musée, comme si le monde venait de s'écrouler autour de moi.

« Tu vas bien ? » La voix de mon père résonna dans l'immense cuisine de notre hôtel privé, sur la Cinquième Avenue. Je hochais la tête, sans pour autant lui répondre franchement. Cela faisait quelques semaines que je ne lui parlais presque plus. Je l'avais d'abord détesté, mais maintenant, je ne ressentais que de l'indifférence envers l'homme qui n'était plus qu'un inconnu pour moi. Je m'emparais d'une grappe de raisin et mangeais lentement les raisins, sans pour autant prendre place avec lui. Je montais les escaliers pour aller me préparer. Une demie-heure plus tard, j'étais en bas, mettant mes différentes valises dans le coffre du taxi que j'avais commandé. Mon père vint à ma rencontre. « Tu t'en vas ? » Je me retournais vers lui, un sourire quelconque sur les lèvres. « Tout à fait. Mais tu iras très bien sans moi, ne t'en fais pas. » Je fis une petite moue ironique et ouvrit la porte de la voiture. « Attend... » Je m'arrêtais dans mon geste et le regardais impassiblement, attendant qu'il prenne à nouveau la parole. « Je veux essayer de me faire pardonner. Il faut que tu restes ici, tu es ma fille. » Je lâchais un rire ironique. « N'essaye pas, garde tes efforts pour une chose plus utile. Et que les choses soient bien claires, je ne suis pas ta fille, je ne le suis plus. Sur ce, adieu. » Après tout, comment pouvais-je lui pardonner ce qu'il m'avait fait ? Payer mon petit ami et menacer de me blesser s'il ne me quittait pas. Quel genre de père aimant ferait ça ? Je m'introduis dans le taxi et claquais la porte aussi fort que possible, mettant un terme à tout ça. Le taxi démarra, et mon père ne devint plus qu'un lointain souvenir.

Urbana, Iowa. J'étais ici depuis quelques jours, et déjà ce que j'avais entendu sur cette ville semblait vrai. Elle était censée guérir les blessures d'amour, censée apaiser les coeurs brisés. C'était le cas. Je me sentais tellement sereine. Que j'ai retrouvé l'amour avec Maxime n'y était pas pour rien. Pourtant, lorsque je me dirigeais vers la porte de mon hôtel, quand quelqu'un avait tapé, j'avais la drôle impression que tout allait changé. « Austeen ? » dis-je dans un souffle, surprise. Qu'est-ce qu'il foutait là ? « Tu me manquais beaucoup trop. » Il se pencha vers moi et posa ses lèvres sur les miennes. Je me laissais faire, mais je n'étais pas du tout concentrée sur ce baiser. Des tas de pensées contradictoires se mêlaient dans ma tête. Quand il se recula et me regarda dans les yeux, je savais que j'aurais dû me sentir coupable et honteuse d'avoir passé ces derniers jours dans une bulle d'amour avec Maxime. Pourtant, j'étais tout sauf ça. J'étais juste heureuse de le voir, et je me transformais en petite amie dégoulinant d'amour. C'était bien simple, j'étais une personne avec Maxime, et une autre totalement différente avec Austeen. C'était inexplicable. Je refermais la porte et allais m'installer sur le lit, bientôt imité par celui qui était passé du statut de meilleur ami à celui de petit ami. « Je suis contente que tu sois là, vraiment. » dis-je avec un sourire heureux. Je l'embrassais légèrement. « Tu me feras visiter, hein? » Je souris malicieusement. « Evidemment. Mais pour tout de suite, j'ai d'autres projets. » Je me jetais alors à son cou, l'embrassant encore et encore, sans pouvoir m'arrêter. Ca faisait un bien fou de le revoir enfin.